J'ai eu la surprise ce recevoir ce petit livre de Baricco aujourd'hui. Je ne connaissais ni ce monologue pour théatre au nom au peu bizarre "Novecento : Pianiste", ni même son auteur Alessandro Baricco. Intriguée, je l'ai pris en main et l'ai "dévoré" en une heure, fascinée, emportée par la magie du personnage et du verbe de l'auteur (je n'ose imaginer comme ça doit être beau en Italien ...).
J'ai aimé l'originalité de l'histoire : un pianiste, enfant trouvé, né sur un bateau et qui n'est jamais descendu à terre, a grandi et est devenu adulte sur ce paquebot et y a développé un merveilleux don de la musique. J'ai aimé le ton primesautier, vivant, utilisé par l'auteur : on voyage dans sa tête et même si tout n'est pas rose, si la gravité ou une ombre de tristesse ne sont jamais bien loin, si l'émotion est bien présente aussi, la narration reste légère, virevoltante, comme ces notes de musique qu'égrène Novecento. C'est un enchantement, auquel on se laisse volontiers prendre...
Le livre était accompagné d'une injonction : "Pense à mettre du piano en le lisant ... Chopin ou Nyman de préférence, je crois ...".
Je ne suis guère obéissante, mais j'ai suivi ce conseil (déjà parce que Chopin m'emporte toujours très loin pour diverses raisons ...)
Pour finir un petit passage :
(Le narrateur, un trompetiste de jazz, fraîchement arrivé sur le bateau, y vit sa première tempête. Pour lui prendre sa peur, Novecento l'emmène dans la salle de bal, ils enlèvent les cales du piano et s'installent tous les deux sur le tabouret du pianiste...)
" A présent, personne n'est obligé de le croire, et pour être exact, je n'y croirias pas moi-même si on me le racontait, mais la vérité vraie c'est que ce piano commença à glisser, sur le parquet de la salle de bal, et nous derrière lui, avec Novecento qui jouait, sans détacher son regard des touches, il avait l'air ailleurs, et le piano suivait les vagues, il s'en allait d'un côté, revenait de l'autre, puis tournait sur lui-même, et filait droit sur les baies vitrées, puis, à un cheveu de la vitre, il s'arrêtait et recommençait à glisser doucement dans l'autre sens, je veux dire c'était comme si l'Océan le berçait et nous avec, moi, j'y comprenais rien et Novecento, lui, il jouait, il continuait à jouer, et c'était clair que ce piano, il se contentait pas de jouer dessus mais qu'il le conduisait, vous comprenez ?, avec les touches, avec les notes, je pas avec quoi, mais il le conduisait où il voulait, ce piano, c'était absurde mais n'empêche. Et pendant qu'on voltigeait entre les tables, en frôlant les lampadaires et les fauteuils, j'ai compris, à ce moment-là, que ce qu'on faisait, ce qu'on était en train de faire, c'était danser avec l'Océan, nous et lui, des danseurs fous, et parfaits, emportés dans une valse lente, sur le parquet doré de la nuit. Yes."
Novecento : Pianiste d'Alessandro Baricco