Hum, valà... c'est vrai, il y a parfois des choses tellement évidente, qu'on en parle jamais. Et après....
C'est ce sur quoi on est moins bavard qui est parfois ce qui compte le plus. Comme une évidence. Et une évidence, ben ça s'explique pas!
Et pour moi, l'Evidence, c'est
Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand.
Pourquoi? Une grande pièce du répertoire, mais... Phèdre en est une. Le Cid en est une. Pourquoi cette pièce du 19ème siècle, qui finalment copie la langue du 17ème?
Justement, pour ça! Parce que Cyrano, c'est une rencontre d'abord... une rencontre avec cette langue adorée. Moi qui n'aime pas la tragédie... eh, bien la tragédie de capes et d'épées, si!
J'ai d'abord, dans une anthologie poétique que je possède, découvert des passage... la Ballade du Duel.. la Tirade du nez.... et ce morceau de poèsie nostalgique qu'est "la flûte de Bertrandiou".
puis j'ai vu le film... ah, l'émoi devant cette histoire. Adolescente que j'étais, devant Christian. Quelle tristesse que sa mort...
Et j'ai lu le livre. Et là...
Je suis tombée sur la première tragédie qui m'aie touchée! La seule. Capable d'en relire des passages, juste pour la musicalité. Et l'histoire! mon rêve, ma période.. ce 17ème siècle flamboyant! Des mousquetaires, des duels, des prises de villes....
Et la fin. Ce dernier acte, qui m'a fait prendre conscience, alors, que Christian.. ben bof. Qui ma fait comprendre, que le plus beau, c'était... le panache!
Je peux pas relire, ou penser à la dernière tirade de Savinien de Cyrano de Bergerac sans pleurer. J'aurais fait sans doute un mauvais acteur, pour le coup....
Acte V, scène 6.... dernière partie:
Cyrano :mais aussi que diable allait-il faire
mais que diable allait-il faire en cette galère ? .
Philosophe, physicien,
rimeur, bretteur, musicien,
et voyageur aérien,
grand riposteur du tac au tac,
amant aussi-pas pour son bien ! -
ci-gît Hercule-Savinien
De Cyrano De Bergerac
qui fut tout, et qui ne fut rien.
... mais je m' en vais, pardon, je ne peux faire
attendre :
vous voyez, le rayon de lune vient me prendre !
(il est retombé assis, les pleurs de Roxane le
rappellent à la réalité, il la regarde, et
caressant ses voiles : )je ne veux pas que vous pleuriez moins ce charmant,
ce bon, ce beau Christian ; mais je veux seulement
que lorsque le grand froid aura pris mes vertèbres,
vous donniez un sens double à ces voiles funèbres,
et que son deuil sur vous devienne un peu mon deuil.
Roxane : je vous jure ! ...
Cyrano, est secoué d' un grand frisson et se lève
brusquement.pas là ! Non ! Pas dans ce fauteuil !
(on veut s' élancer vers lui.)-ne me soutenez pas ! -personne !
(il va s' adosser à l' arbre.)
rien que l' arbre !
(silence.)
elle vient. Je me sens déjà botté de marbre,
-ganté de plomb !
(il se raidit.)
oh ! Mais ! ... puisqu' elle est en chemin,
je l' attendrai debout,
(il tire l' épée.)
et l' épée à la main !
Le Bret :Cyrano !
Roxane, défaillante. :Cyrano !
(tous reculent épouvantés.)
Cyrano :je crois qu' elle regarde...
qu' elle ose regarder mon nez, cette camarde !
(il lève son épée.)
que dites-vous ? ... c' est inutile ? ... je le sais !
Mais on ne se bat pas dans l' espoir du succès !
Non ! Non ! C' est bien plus beau lorsque c' est
inutile !
-qu' est-ce que c' est que tous ceux-là ? -vous
êtes mille ?
Ah ! Je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !
Le mensonge ?
(il frappe de son épée le vide.)
tiens, tiens ! -ha ! Ha ! Les compromis,
les préjugés, les lâchetés ! ...
(il frappe.)
que je pactise ?
Jamais, jamais ! -ah ! Te voilà, toi, la sottise !
-je sais bien qu' à la fin vous me mettrez à bas ;
n' importe : je me bats ! Je me bats ! Je me bats !
(il fait des moulinets immenses et s' arrête,
haletant.)
oui, vous m' arrachez tout, le laurier et la rose !
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
que j' emporte, et ce soir, quand j' entrerai chez
Dieu,
mon salut balaiera largement le seuil bleu,
quelque chose que sans un pli, sans une tache,
j' emporte malgré vous,
(il s' élance l' épée haute)
et c' est...
(l' épée s' échappe de ses mains, il chancelle,
tombe dans les bras de Le Bret et de
Ragueneau.)
Roxane, se penchant sur lui et lui baisant le
front. :c' est ? ...
Cyrano, rouvre les yeux, la reconnaît et dit en
souriant. :
mon panache.