En 1542, le navigateur portugais Juan Rodriguez Cabrillo pose les yeux sur le site de Los Angeles, qu'il admire de son bateau. Les feux des Indiens forment une telle nappe de fumée au-dessus de la terre qu'il baptise l'endroit Bahia de los Fumos. Plus de deux siècles plus tard, le 4 septembre 1781, un groupe de 44 colons fonde un embryon de colonie qu'il appelle El Pueblo de Nuestra Señora La Reina de Los Angeles del Río Porciuncula, du nom d'une sainte fêtée la veille dans le calendrier... Un nom à rallonge pour un petit village qui deviendra le centre de L.A.
La ville végète jusqu’à l’ouverture du chemin de fer. Elle est d'abord reliée à San Francisco, puis tout change avec l'ouverture en 1885 de la ligne de chemin de fer de Santa Fe. Ainsi reliée au reste du pays, elle voir arriver un grand nombre d’immigrant de la côte est, attirés par le climat de la Californie du Sud.En 1905, la construction du canal Owens alimente la ville en eau potable et donne une seconde impulsion à l’immigration. C’est le début de la croissance. Modeste bourgade en 1880, Los Angeles compte déjà 100 000 habitants en 1900, et le triple dix ans plus tard. Ce n’est encore rien à côté de l’explosion démographique qu’elle va connaître grâce au cinéma.
En 1886, Horace et Daeida Wilcox, deux émigrants, achètent un grand terrain dans les environs de Los Angeles, qu'ils transforment en une ferme prospère, que Mme Wilcox baptise Hollywood (« Bois de Houx »). En quelques années, Hollywood devient une paisible localité. Un beau jour de décembre 1913, Cecil B. De Mille, de la compagnie Famous Players Lasky (la future Paramount) débarque de New York avec son équipe de cinéma avec l’intention de trouver un local pour y tourner un film muet. Après avoir remonté une large avenue ombragée nommée Vine St., son équipe s'arrête devant une vaste étable. Séduite, De Mille décide d’y tourner Le Mari de l'Indienne (The Squaw Man), le premier long métrage muet de l'histoire.
Attirés par la douceur du climat, la possibilité de tourner en permanence en extérieur, le prix peu élevé des terrains, la présence d'une main-d'œuvre bon marché et enfin la variété des paysages aux alentours, de nombreux cinéastes et producteurs accoururent. Le génial D. W. Griffith réalisa la première superproduction en filmant Naissance d'une Nation (1915), suivi d'Intolérance (1916). La comédie burlesque, ou slapstick, vit rapidement le jour grâce à Mack Sennett, qui tourna des centaines de ces courts-métrages comiques pour la Keystone, dans des baraques minables du côté d'Edendale. Sennett lança notamment l’Anglais Charlie Chaplin et son personnage de Charlot. Sa canne, sa moustache, son chapeau melon et sa démarche inimitable firent de lui une vedette mondiale en moins de 3 ans. Embauché à 75 US$ la semaine à ses débuts, Charlie Chaplin signa en 1917 le premier contrat de 1 million de dollars enregistré dans les annales du cinéma. Avec cette somme mirobolante, il devint multimillionnaire à 28 ans, et s'installa en 1918 dans ses propres studios. Avec Douglas Fairbanks et Mary Pickford, les deux vedettes en vue de l'époque, il fonda en 1919 United Artists, contribuant ainsi à asseoir l'image d'Hollywood comme capitale mondiale du cinéma.
Les années 1920, 1930 et 1940 représentent l'âge d'or pour le cinéma d'Hollywood. En 1923, le célèbre mot « Hollywood » en lettres géantes est érigé dans les collines. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, la première Major Company apparaît : la Paramount, dirigée par Adolf Zukor. Dans les années 1920, les grandes maisons de production montent d'énormes studios. Le travail, l'organisation, la production y sont tellement soumis aux règles de la rentabilité qu'on les appelle très vite les dream factories, les « usines à rêves ». Hollywood emploie alors près de 28 000 personnes, dont 170 réalisateurs et 350 scénaristes qui fournissent 500 à 700 scénarios par an. Rapidement, le marché se retrouve partagé entre 5 grandes « usines à rêves » qui dominent le monde du cinéma. La MGM (Metro Goldwyn Mayer) collectionne les stars, fidèle à sa devise « Plus d'étoiles qu'il n'y en a au ciel ». Greta Garbo, Clark Gable, Marion Davies, Joan Crawford, Norman Shearer jouent pour la MGM. À la Paramount, on trouve l'irrésistible Mae West, le sémillant Gary Cooper, les Marx Brothers, Bing Crosby, Bob Hope, Tyrone Power et la divine Marlene Dietrich. La Warner Bros, dirigée par les 4 frères Warner, n'a pas autant de stars, mais rien que du brillant : Humphrey Bogart, James Cagney, Bette Davis. La Twentieth Century Fox ne renaît de ses cendres qu'en 1935, devenant ainsi la 4e des Big Five Majors. Enfin, la RKO, qui aura le génie de produire Citizen Kane d'Orson Welles. À côté de ces cinq grandes viennent trois autres petites compagnies, promis à un grand avenir : Columbia, United Artists et Universal.
Déjà aux débuts du cinéma, le plus grand, le plus impressionnant des parcs à studios, c'est Universal City, sorte de cité du cinéma à quelques kilomètres au nord d'Hollywood. Les producteurs règnent en maîtres absolus à tous les niveaux de la fabrication du film. Par l'étendue de leur pouvoir, on les surnomme les Moguls. Seuls quelques producteurs indépendants réussiront à se faire un nom à l'ombre des Majors : Samuel Goldwyn et David O. Selznick, le producteur d'Autant en emporte le vent (1939), film feu d'artifice de l'âge d'or hollywoodien. Les années 1930 sont marquées par de grands réalisateurs comme Frank Capra, John Ford, Howard Hawkes. Les années 1940 ouvrent l'ère du film noir et des pin-up : Rita Hayworth est surnommée la « star atomique », Esther Williams, la naïade, Jane Russell, la brûlante, Lana Turner, la torride, Barbara Stanwyck, la perverse, Bette Davis, la garce, Ingrid Bergman, l'étrangère, Ava Gardner, « le plus bel animal du monde ». Et bien sûr Marilyn Monroe, star hollywoodienne par excellence, la baby doll du 7e art. Toutes ces vedettes habitent Beverly Hills, à deux pas des studios. Côté réalisateurs, une pléiade de génies roule pour Hollywood : John Huston (Le Faucon maltais, La Nuit de l'iguane, Asphalt Jungle...), Raoul Walsh (High Sierra...), Billy Wilder (Sunset Boulevard, Sept Ans de réflexion...), Joseph Mankiewicz (Le Château du dragon, Eve, La Comtesse aux pieds nus...), Ernst Lubitsch (Ninotchka, Jeux dangereux, Le Ciel peut attendre...) et bien sûr Alfred Hitchcock (inventeur du « thriller » au cinéma). Et bien d'autres encore...
Et après, me demandez-vous ? Eh bien après…. Après, il n’y a pas que « Hollywood » aux Etats-Unis. Mais « Hollywood » a eu un tel impact que son nom est utilisé à tort et à travers. Alors non, le cinéma américain n’est pas que Hollywood. Mais ça, comme dirait Kipling… c’est une autre histoire….