Aïsha Kandisha

Voilà, comme promis, la nouvelle fantastique que j'avais promis. Allez, copions-collons derechef:

Aïsha Kandisha

Il est nuit.
La lune blafarde, presque pleine, éclaire crûment le parking désert, épaulés par les halogènes blafards eux-aussi suspendus aux grilles métalliques. Puis, enfin seule, elle déploie tout son talent de metteuse en scène suprême sur les avenues désertes, plantées d’arbres noirs et squlettiques tordus comme dans la souffrance, et les immeubles de bétons, froids, immuables, indifférents.
Le vent d’hiver souffle, furieusement, faisant craquer les branches et, on en jurerait, les troncs des arbres. Il gémit et hurle depuis le bout du monde, emporte des nuages de poussières et de brindilles et de vagues choses blanches, glacent les corps et les âmes.
Si seulement il n’y avait pas la lumière du supermarché proche et les rires abrutis pour casser cette ambiance.
Je suis accoudés dans l’ombre, un mégot depuis longtemps éteint au bec. J’ai peut-être fumé mon philtre sans m’en rendre compte. Enfin, excédé, je reprend mon caddie, et m’engage sur le parking.

-la vie de ma mère que je l’ai entendu ! » s’époumonait Mimoun.
Toute une cour de collégiens s’étaient formés autour de lui et de Kader, immobile à ses côtés, bras croisés, sourire malin de ceux qui en savent plus qu’ils n’en disent. Une quarantaine d’élèves de toute les classes devaient être réunis là. Les pions rôdaient autour, l’air inquiet, un œil sur le groupe, l’autre sur ceux qui pourraient venir le grossir. Aïsha, la nouvelle pionne, étaient parmi eux. Ses cheveux châtains sombres ondulaient sur ses épaules autour de son visage mat au nez aquilin. Ses yeux bleus sombres semblaient refléter une tristesse surprenante dans ce visage impérieux.
-la vie de ma mère que je l’ai entendu, disait donc le témoin Mimoun à son auditoire avide. J’étais à quinze kilomètres (il parut réliser qu’il s’agissait de la distance de Lille à Villeneuve d’Ascq)…allez, on va dire, à un kilomètre. Demandez à Rachid et à Samir, ils étaient là.
-Comment c’était ? demanda anxieusement un mioche de sixième.
-Atroce…je peut pas vous l’imiter…on aurait dit le cri d’une femme qu’on égorge. »
Toute l’assistance frissonna. Même les grands de troisième semblaient imperceptiblement troublés. C’est le moment que choisit Kader pour sortir de l’ombre.
Kader était en quatrième. Il en savait long sur ces histoires abominables qui rendaient la métropole lilloise nocturne aussi sulfureuse que les cités en ruines perdues sous les flots ou dans le désert qui hantent la littérature d’épouvante depuis Lovecraft. Des histoires qui, en flanquant des insomnies au bourgeois craintifs, reduirait en poussière ces clichés typiquement hollywoodiens qui réduisent l’imaginaire urbain à de chiens passés au micro-onde ou de crocodiles ha,ntant les égouts.
-Messieurs, commença Kader d’un ton dramatique, le mal est sur nous. Les enfers ont lâchés Aïsha Kandisha. »
Il y eut quelque soupirs ou plutôt un grand soupir d’horreur collectif et les morveux qui ne voyait pas de quoi il était question s’entreregardait avec inquiètude.

Je traîne péniblement mon caddie le long des murs du magasins. Dans un coin, prés de la porte, une silhouette drapée dans son manteau et encapuchonnée est affalée. C’est une jeune fille. Je la vois d’ici. Ses longs cheveux blonds filasses s’échappent de sa capuche et enlacent son visage d’un blanc au reflet de cire ; ses yeux fixent le vide d’un air idiot. Un sourire semble se dessiner sur ses lèvres. Un sourire qui ne s’en ira jamais. Du moins jusqu’à ce que les vers le bouffent.
La seringue écarlate pendouille encore à son bras nu et ensanglanté. Personne ne s’arrête, s’imaginant sans doute avoir affaire à quelque clocharde cuvant son pinard.
Je tourne à angle droit sur la droite, et erre bientôt en plein parking. Le vent est glacial, bien trop glacial, dirait-on, pour une frêle jeune femme à peine vêtu d’un gilet rapiécé à la fermeture éclair cassée, tout juste coiffée d’un fichu blanc craqué et detrempé, flottant sur ses cheveux brun. §ais plus rien ne peut m’atteindre aujourd’hui.
Je sens une baisse de température que seul ma peau sensible peut déceler. Levant les yeux, j’aperçois des lambeaux d’ombres passer devant la Lune. Ce ne sont pas des nuages. Ou alors peut-être des nuages peuvent-ils descendre à quelque mètres du sol ; Du coin de l’œil gauche, j’aperçois une silhouette indéfinissalbe, vaguement bipède, rôder entre les voitures.
On voit de curieuses choses sur les parkings déserts, la nuit, pour peu qu’on sache regarder. On s’y habitue à force.
Je pense aux couples d’amoureux qui doivent baisouiller dans leurs belles bagnoles, quelque part, sur le parking. Ça frime, ça étale la vision de son bonheur devant tout le monde, même devant les petits dieux des rues. Et ça s’étonne de faire de mauvaises rencontres. Les collégiens racontent de si horribles histoires là-dessus.
Moi aussi, j’ai aimé. Il faut même un jour ou j’était fiancé…

-C’est qui Aïsha Kandisha ?, demanda un petit.
-Chuut, ne prononce pas ce nom si fort, tu pourrais l’appeler ! »
Cris d’horreur.
-Aïsha Kandisha est une goule, une vampire. Elle vient des déserts d’Algérie, et de là, la nuit tombée, Elle remonte dans les villes. Et là-bas, c’est beaucoup plus terrible qu’ici, parce qu’Elle peut faire la danse du ventre pour appâter les hommes. »
Des sourires lubriques s’allumèrent.
-Hé, faites gaffe les gars, une fois au pieu, Elle vous mord, et avec sa langue non seulement elle aspire votre âme, mais celles de toute votre famille, même s’ils dorment à des kilomètres… »
Les potaches frissonnérent violemment.
-Et L’Aïsha, des bateaux l’ont aussi amené à Marseille, à Lyon, et ici, à Lille. Aussi les gars, quand vous aurez vot’ bagnole, si vous voyez une belle meuf en imper blanc vous faire du stop à sortie d’une boîte, ne la ^renez surtout pas ! Au pays, elle peut même prendre la forme d’un palmier pour apprendre le passant engourdis par la chaleur.
-Moi, j’ai entendu parler qu’elle était né d’un chacal et d’une truie, dit l’un des grands.
-Non, c’est elle qui a créé le chacal et la truie pour allaiter ses gosses, répliqua l’un des grands.
Ces récits plus matériels, plus terre à terre, soulagèrent les spectateurs, arrachant même quelque rire. La conversation dégénéra en un concours de blagues salaces mettant en scène des vampires et autres monstres, puis n’ayant bientôt plus rien à voir.
Mais il était impossible de L’oublier, et bientôt on relança la conversation sur Elle.
-Il paraît que c’est pas elle qui hante les parkings. »
Tout le monde se tourna vers celui qui venait de parler ainsi . C’était Medhi, un moufflet de cinquième.
-Je connais une autre version de l’histoire. »
Quatre-vingt pieds se déplacèrent, quatre-vingt oreilles se tendirent vers lui. Les plus grands fermèrent la marche, le sourire au lèvres. Ils connaissaient l’histoire de Medhi. Certains avaient un petit frère ou une petite sœur au collège Jules Ferry de maubeuge, ou les gosses avaient raconté l’histoire de l’Aïsha kandisha du parking. Juste une banale histoire de fantôme, ou le fantastique à deux balles croisaient le larmoyant des tragédies qui servaient à torturer les gars de troisième. Ca ne valaient certainement pas l’histoire de Aïsha Kandisha, l’authentique Dame Blanche de Lille, mais quand même…

…Il faut même un jour ou j’était fiancé.
Celle que j’étais avait vécu depuis l’enfance dans les quartiers les plus sinistres, connu les brimades dont elles ne savaient pas la raison, peut-être simplement parce qu’elle était une femme, la drogue, la tôle. Et maintenant, pensait-elle, je vais enfin devenir quelqu’un, oui, elle allait s’intégrer dans un monde qui ne voulait pas d’elle. La veille encore, elle se promenait, toute guillerette, à travers la ville aux devantures illuminés, en compagnie de son amie d’enfance.
Pauv’ fille.
Machinalement, je laisse mon regard errer dans la direction ou, au-delà des immeubles d’une laideur insoutenable, se dresse Amiens, et sa cathédrale. Il paraît que, la nuit, des démons se détachent du relief du Jugement dernier et viennent visiter les dormeurs. Les Papoires. Amusant.

Aïsha rentra dans le cabinet de son oncle, le docteur Azrou.
-Salut ! lança-t’elle.
Le psychiatre leva le nez de ses paperasses.
-Salut, dit-il, je termine ma thèse sur la réinsertion des personnes plongées dans le coma. Mais je m’étendrais pas là-dessus, je vois que le sujet t’embarasse. »
Aïsha posa son sac, et avisa les nombreuses aquarelles qui tapissaient les murs de droites. Des dessins d’heroïc fantasy, semblait-il. L’un surtout, particulièrement effrayant, attira son attention
Son oncle débitait un discours sur la psychose que pouvait créer chez les jeunes gens sensibles le dangereux légendaire urbain. Des histoires de l’ordre de celles des crocodiles dans les égouts et des chiens passés au micro-onde par une grand-mère insouciante.. Il expliquait que des petits malins pouvaient profiter de cette situation pour jouer des tours pendables qui pouvaient avoir de graves conséquence….
Aïsha n’écoutait guère ce discours moralisateur, absorbé qu’elle était par la contemplation des tableaux, et notamment, Du tableau.
Il représentait une…un monstre femelle écrasant son visage sur la portière embuée d’une voiture, semblait-il. Le fond bleu évoquait la nuit. La chose avait des yeux jaunes, fendus comme ceux des sauriens, et des dents tranchantes, mouillées de baves. Ses doigts maigres et griffus labouraient la vitre. Elle portait, dénoués sur ses cheveux noirs ondulés, qui semblait entremêlés de serpents sans qu’on puisse être certain de ce qu’on voyait, un tchador d’un blanc éclatant à l’exception de taches d’humidité passant du jaune au brun puis au rouge…au rouge vif du sang frais. En dessous du tableau, une étiquette indiquait en écriture saccadée : « la Dame Blanche. »
Le psychiatre remarqua bientôt l’intérêt de la jeune fille.
-Oui, je m’en sers pour mon travail, pour comparer les fantasmes de ces artistes et ceux de mes malades. Celui-là, c’est un Butler ; et là, un François Doré : et là, un Ravel. »
Aïsha brûlait du désir de demander le titre du tableau interdit…mais pourquoi était-il interdit ?
-…et ça, un William Puck, et là, tu vois un Corraban...
-Et celui-là ? demanda Aïsha d’une voix chevrotante, montrant du doigt Le tableau. On aurait presque entendu son coeu battre la chamade dans le silence de la pièce.
Le visage du docteur Azrou devint sombre.
-Ca, c’est une de mes patientes. Une ados en étant de choc que j’assiste. Son petit ami est mort d’un malaise cardiaque. Ils ont du être victime d’un gros chien. Comment un cabit devient la Reine Blanche…
-La Dame Blanche, rectifia Aïsha.
-La Dame Blanche…c’est aussi une façon pratique d’expliquer les tragiques accidents de la route après une soirée bien arrosée…c’est curieux, même si cela donne naissance à une histoire particulièrement terrifiante, cela soulage de l’angoisse de la mort et du sentiment de son injustice stupide. »
Il se frotta le menton.
-J’aimerais bien avoir plus de détail là-dessus. Pourquoi ce qu’on appelle le merveilleux a pris tant de place dans notre vie ? »
Et tandis que le docteur s’abîmait dans ses réflexions philosophiques, Aïsha restait les yeux rivés, hypnotisés, sur le portrait de la Dame Blanche.

Je reviens vers le magasin. Une bande de jeunes en sort bruyamment. Ça gueule, ça s’esclaffe grassement, ça braie comme un seul âne, ça bêle comme un seul mouton, pour faire croire que ça n’a pas peur du noir, comme des mômes, ou comme des hommes tapis au fond de leurs cavernes. Effrayés pas l’obscurité. Et par ceux qui y rôdent.
Et ça se prend pour des hommes libres et des révolutionnaires, quand leur vie tient à leurs blousons et à leurs baskets sur lesquelles sont travailler vingt enfants du tiers-monde.
Les occidentaux, incapables de saisir même le simple second degrs, se prenant pour de grands philosophe quand il se demandent bêtement à quoi servent le sentiment, le rêve, tout ce qui façonne presque totalement la vie d’un homme et est la substance même des civilisations, qui séparent tout simplement l’homme du singe, ou de la machine.
Les hommes d’orients, du sud, du nord, les marionnettistes c achés, la marionnette-figure de proue de chef et les stupides marionnettes du peuple. Qu’on ne me parle pas de méchants tyrans et de peuples opprimés. Ça n’existe que dans les films américains.
C’est comme l’ innocence des enfants ou de je ne sais qui. C’est la même motivations qui guident la main armée à trois ans ou à soixante-dix, qu’on soit home ou femme, blanc ou noir, malade ou bien-portant, infirme ou valide, fou ou sain d’esprit. Seule l’intelligence peut nous retenir, elle qui paraît-il pervertit tout. Mais on finit toujours par passer à l’acte. Ou a roulé bourré à deux cent à l’heure, en pleine ville, un soir de déprime.
Quand vous suffoquez, en sang, sur votre lit d’hôpital, que vous plongez avec terreur, désespoir, rage et paradoxalement curiosité insensé dans les ténébres, vous ne voyez que les monstres masqués qui vous ont bardés de tuyaux et d’éléctrodes, et un visage condescendant, effrayé par ses propres fautes, l’image de notre merveilleux mondes.
La race humaine.

J’était déjà différente en venant au monde.
J’ose dire que je le suis encore plus depuis que j’ai traversé la rue, au feu vert, devant le capot de ce chauffard.

Waou! J'adore cette histoire... l'ambiance, le thème et le reste...
A quand la suite? (si suite il y a bien sur...)

Bah, je vais sans doute écrire d'autre nouvelleset peut-être quelque autres nouvelles fantastiques, mais une vraie suite...à partir du moment ou je trouve un concept de nouvelles original, je ti'ens à ce qu'il le reste, ce qui parait paradoxal quand on pense que je ne conçois les romans qu'en cycles.
En tout cas, merci pour vos avis :rock:
Nura
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(et en mon estomac hahahah)
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j'ai fait un méga copier coller sur ta nouvelle que je lirai quand j'en aurai le temps... Dis moi, ca fait longtemps que tu écris des nouvelles (fantastiques)?

j'ai fait un méga copier coller sur ta nouvelle que je lirai quand j'en aurai le temps... Dis moi, ca fait longtemps que tu écris des nouvelles (fantastiques)?
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Bah là, c'est la deuxième que j'écris, d'habitude je me spécialise plutôt dans la SF... ça doit être la 7ème ou 8ème nouvelle que je pond sur le net depuis l'été 2003 (bien que je ne préfére pas trop me souvenir de mes premiers essais, même si je vais essayer de "récupérer" ma première nouvelle de SF).

Allez hop,un tit copier-collé pour me lire tout ça tranquillement
Merci Tuor!

De rien, écrire ces nouvelles, même si c'est ardu, ça fait plaisir, comme dirait l'autre. Là, j'ai juste paqs trop le temps et d'habitude j'ai une fleme colossale, alors._________________
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Alors, ca fait un bout de temps que je l'ai lu, mais je poste que maintenant pour des raisons de temporalisation mal faite (je veux des journées de quarante huit heures).

Alors, que dire? Ben d'abord, l'ambiance internat/Chair de poule, c'est sympa. Bien mise en place, la crédulité des gosses, et tout ce qui suit...

J'ai apprécié ton style, pas sec mais néanmoins vachement vif. Tes mots, tes images se ressentent bien, je dirais qu'on se fait bien son film. A part ça, le fantastique est bien rendu correctement, c'est à dire que c'est une incertitude, une vérité inconnue, qui rôde autour de tout ca. Le doute (un des principes fondateurs de l'effet fantastique) est bien rendu.

Pour ce qui est des points négatifs, je dirais une trop grande variété de situations. Même si tu trouve qu'il y en a peu, moi si. Je dirais que c'est soit trop court, soit trop dispersé. A toi de choisir ce que tu préfères, mais en tout cas c'est comme ça que je le vois. Bon, j'espère que ca te va, comme critique.

Pour ce qui est des points négatifs, je dirais une trop grande variété de situations. Même si tu trouve qu'il y en a peu, moi si. Je dirais que c'est soit trop court, soit trop dispersé. A toi de choisir ce que tu préfères, mais en tout cas c'est comme ça que je le vois. Bon, j'espère que ca te va, comme critique.

Ouais, c'est bien justement ce qui m'embêtait, mais bon, je vais voir si je peut ^pas arranger ça.
En tout cas, merci pour ton avis, c'était vraiment sympa_________________
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*aspirant à la grande prêtrise et au club des longues signatures*
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de rien, j'espère que ca peut t'aider...